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    LE COUP DE BAGUETTE MAGIQUE DU SMVL

    L’histoire à peine croyable d’un échec retentissant transmuté en remarquable succès

    Qui l’eut crû ? Les élus constituant l’assemblée délibérante du Syndicat mixte des ordures ménagères sont des faiseurs de miracles. A quelques jours des fêtes de fin d’année, ils ont, d’un trait de plume, changé le cours de l’histoire et volatilisé des milliers de tonnes d’ordures ménagères répandues ces dernières années dans la nature. Récit d’un exploit.

    « Entrez, entrez, Mesdames et Messieurs, entrez, entrez ! (roulement de tambour). Ici vous pourrez admirer un magnifique tour d’adresse (roulement de tambour). Ni vu ni connu, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, vous verrez disparaître sous vos yeux ébahis des montagnes de matières indésirables, vous verrez blanchies des incivilités naguère vilipendées, vous verrez une catastrophe écologique se muer en performance remarquable ! (roulement de tambour). Entrez, entrez, le spectacle va commencer ! »

    C’est ainsi qu’aurait pu, qu’aurait dû, commencer la réunion du comité syndical du 12 décembre dernier. Outre l’augmentation des tarifs 2018 dont nous avons déjà parlé, l’honorable assemblée avait à son menu le « Programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés 2018 - 2023 ». Une affaire sérieuse relevant d’une obligation légale. Le document adopté commence par dresser le bilan des actions menées de 2010 à 2015. Cela tient en quatre pages qui constituent un véritable tour de force.

    DES VÉRITÉS DE LA CALCULETTE…

    L’affaire est aussi simple que deux soustractions.

    Première opération. En 2010, il avait été collecté 7 730 tonnes d’ordures ménagères résiduelles (poubelles noires). En 2015, cette collecte est tombée à 4 771 tonnes(1). Démonstration arithmétique indiscutable : «La production d’ordures ménagères résiduelle a diminué de 38% »

    Deuxième opération. En 2010, il avait été collecté 1 591 tonnes d’emballages recyclables (hors verre). En 2015, le ramassage a été de 2 399 tonnes(1). Démonstration par A-B aussi incontestable que la précédente : « La quantité de déchets recyclables a augmentée de plus de 50 % ».

    Il n’y a plus qu’à conclure : « Les objectifs visés par l’ADEME(2) ont donc été largement atteints ».

    Bravo les artistes ! Mesdames et Messieurs, applaudissez, applaudissez (roulement de tambour) ! Rideau.

    Sauf que…
    tout cela c’est du bidon, du toc, de la frime, du truquage, de la manip… En un mot, c’est faux, archi-faux.

    En vérité, la période 2010-2015 s’est déroulée en deux temps : 2010-2013 et 2014-2015.

    2010-2013, c’était avant la réforme. Les rapports annuels du syndicat attestent d’une régulière diminution des ordures résiduelles depuis la mise en place de la collecte sélective en l’an 2000. De 2010 à 2013, on constate une diminution moyenne de 4,55 % par an. Et d’une tout aussi régulière montée de la collecte des recyclables. Des résultats très supérieurs aux objectifs du fameux Grenelle de l’Environnement dont on nous a rebattu les oreilles pour tenter de justifier la réforme de 2014.

     

    AUX RÉALITÉS DU TERRAIN

     

    2014-2015, nous sommes en pleine réforme. Et qu’en disent les rapports annuels du SMVL ? Ce n’est plus une diminution des OMR collectés mais un effondrement(3). La conclusion du rapport 2014 approuvé par le comité syndical est sans équivoque : « Les tonnages d’ordures ménagères collectés en apport volontaire sont anormalement faibles. Ceci s’explique par une faible adhésion à ce système de collecte. D’autre part, Il est observé des migrations et du brûlage de déchets, ces actes inciviques ne sont pas quantifiables. » Les faits ainsi observés ont commencé à régresser en 2015 et 2016, avec pour conséquence un début de remontée des tonnages d’OMR collectés. Vu ce qui précède, on ne sait pas très bien si nos élus s’en réjouissent ou s’en désespèrent...

     

    Quant aux recyclables si leur tonnage a été en hausse de 47 % de 2010 à 2015, ceci se rapporte à la collecte brute dans les bennes. Mais une fois corrigée des refus de tri (déchets refusés lors du tri effectué au centre de valorisation des recyclables), la hausse réelle n’est plus que 21,4 %. Les années 2014 et 2015 ont en effet été marquées par un quadruplement de la présence d’ordures résiduelles parmi les recyclables. Au point que le bilan 2015 apparaît franchement négatif : le tonnage collecté stagne par rapport à 2014 et marque un recul (-50 T) après déduction des refus de tri. Le phénomène s’amplifie encore en 2016...

     

    Ainsi, par un admirable tour de passe-passe, le document adopté le 12 décembre gomme purement et simplement ces réalités. Migrations, brûlage, incivilités ? Aux oubliettes ! C’est l’absolution de tous les péchés ! La désastreuse acquisition des centaines de conteneurs pour plus d’un million d’euros ? Un mirage, ça n’a jamais existé !

     

    SILENCE, IL N’Y A RIEN À VOIR

     

    On ne peut le taire : il n’y a pas eu une voix, pas une seule, à la table du comité syndical pour s’étonner de la transformation de cet échec retentissant en glorieux succès.

     

    Le représentant du Collectif Val-de-Loir qui siège au comité consultatif auquel le rapport avait été présenté le 5 décembre y avait fait toutes les remarques circonstanciées avant de les communiquer à l’ensemble des élus. Une intervention pas tout à fait ignorée : dans sa version initiale, le document allait jusqu’à affirmer que le succès allégué résultait de la mise en place de la REOM(4) ! C’était tellement grotesque que cette mention a finalement été gommée.

     

    Dans un précédent article consacré à la hausse des tarifs 2018, nous notions que le bilan de la réforme de 2014 constitue un tabou au sein du comité syndical. C’est donc encore plus vrai sur le plan écologique que sur le plan financier. Sans doute deux raisons à cela. L’une tient au refus obstiné de nos élus de reconnaître que l’institution s’est fourvoyée. L’autre relève d’un comportement moutonnier : il convient de ne surtout pas s’interroger sur la pertinence des préconisations de l’ADEME. Peu importe les faits, on ne discute pas les oukases de la technocratie d’État.

     

    A n’en pas douter, l’exercice d’illusionnisme de haute volée du SMVL mérite d’être largement connue. Nous n’allons pas ménager nos efforts en ce sens.

     

    Le Collectif Val-de-Loir, le 26 décembre 2017

     

     

    (1) Source : SMVL, Rapports annuels 2012 et 2015.

     

    (2) L’ADEME – Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – est le bras armé de l’État pour la mise en œuvre des politiques de réduction des déchets et des économies d’énergie.

     

    (3) De 1999 à 2013, la diminution des OMR a été en moyenne de 287 tonnes/an. De 2013 à 2014, la chute a été de 2 200 tonnes de moins ! Un effondrement concentré pour l’essentiel dans les secteurs en apport dit volontaire regroupant un peu moins de la moitié des usagers. (SMVL, Rapport annuel 2014 ).

     

    (4) Jusqu’en 2014, le service était financé par la Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM). Sans aucune obligation légale et sans le moindre débat avec les habitants, le SMVL a remplacé cette TEOM par la Redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM). Un mot de changer et tout est différent. Nous reviendrons prochainement sur cette question essentielle.


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