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    Ordures ménagères :

     

    Que Choisir, victime ou complice du lobbying de l’ADEME ? (2)

     

    3 – Taxe ou redevance : de l’apparence aux réalités

     

    La plupart des contribuables ne sauraient pas qu’ils payent cette TEOM, s’offusque Que Choisir ? Notons que là où elle existe, c’est-à-dire dans l’immense majorité des communes, cette taxe figure de façon très explicite sur l’avis d’imposition de la taxe foncière due par tous les propriétaires. Pour les locataires, elle doit figurer dans le détail des charges locatives. Mais entendons ce défaut d’information. Et alors ? Propose-t-on de « jeter » l’ensemble des impôts parce que les citoyens ne savent pas combien ils payent pour la police municipale, pour l’entretien du stade, du gymnase, de l’école communale ou du cimetière, pour la réfection des chaussées et des trottoirs, pour les services administratifs qui leur délivrent les papiers dont ils ont besoin ? Et pourquoi, diable, financer ces différents services par l’impôt, donc indépendamment de l’usage que chacun en a ? S’il convient de jeter la TEOM, il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. Au diable tous les impôts, locaux et nationaux. Remplaçons-les par une kyrielle de redevances spécifiques selon l’usage que chacun fait de tel ou tel service. Et il n’y a pas que les impôts : aux orties la sécurité sociale financée par une cotisation assise sur le revenu et dont chacun bénéficie selon sa situation de santé. Les « premiers de cordée » ne s’en porteront que mieux et ces salauds de pauvres n’auront qu’à méditer sur leur paresse ou leur absence de talent à devenir riches. Vive la « modernité »! Vive l’individualisme érigé en religion d’État !

     

    C’est que là est le premier effet du passage de la taxe à la redevance : si les plus aisés y trouvent un bénéfice financier, les plus modestes en prennent plein la tronche. Sur le territoire où nous demeurons – l’un des plus pauvres de la région des Pays de la Loire - où le niveau moyen des revenus est très faible, le passage de la TEOM à la REOM en 2014 a conduit à la multiplication par deux, trois, parfois quatre, de la facture des ménages modestes. A Château-du-Loir, au Lude ou en campagne, combien de foyers demeurant en HLM ou dans de très modestes maisons ne gagnent pas le SMIC et ont vu la facture passer de 40 €/an à 160 €, 200 € ou plus ? Il est vrai qu’inversement un de nos adhérents nous signalait être passé de 450 € de taxe à 180 € de redevance. Il ajoutait ce commentaire : « Il est toujours agréable de payer moins cher mais au montant de la taxe payée vous comprenez bien que je dispose d’une fort belle propriété et d’une résidence de grande valeur. Aussi cette économie annuelle de 270 € n’apportera rien de plus à mon niveau de vie alors que les 130 € supplémentaires réclamés à une famille voisine vont peser lourd sur son budget.» Voilà bien une donnée soigneusement dissimulée par l’ADEME. Cela suinte malgré tout au détour de certaines publications. Ainsi ce document publié en novembre 2016 dans lequel est effleuré le risque des impayés engendré par la redevance : « dès la mise en place la collectivité  pourra convenir (...) avec les services d’actions sociales des mesures envisageables pour aider les foyers à faibles revenus » (4). Et voilà comment de contribuables disposant de droits et de devoir on transforme les ménages modestes en assistés dépendant de l’action sociale ! Et tout ça pour quels résultats ?

     

    Question coût du service, voyons d’abord l’affirmation selon laquelle avec la redevance incitative « moins on jette, moins on paye». Véolia, l’un des grand opérateurs du secteur, en a fait le titre de l’une de ses pages web (5). Cela tient du slogan, peu de la réalité. S’il est vrai que la clé finale de répartition du coût global du service entre ses usagers est le plus souvent le nombre de présentations à la collecte de la poubelle « noire », celle contenant les ordures résiduelles (OMR) promises à l’enfouissement ou à l’incinération, le calcul est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. D’abord, il intègre l’ensemble des coûts fixes (kilométrages parcourus et temps de collecte, distance aux centres de traitement, gestion du service…) qui sont très supérieurs aux coûts variables (quantités de déchets).

     

    Et puis il y a un petit hic dont il n’est jamais fait état. Il s’agit des déchetteries. Or c’est là que sont apportés les plus forts tonnages de déchets. Les matériaux recyclables (métaux, cartons…) qui y sont déposés sont revendus (sur la base des cours mondiaux extrêmement fluctuants). Mais la prise en charge des trois pondéreux les plus importants – déchets verts, encombrants et gravats – constitue un coût net répercuté dans la redevance, donc sur ce que chacun paye selon l’usage de sa poubelle « noire ». Tout ceci fait que le tarif de référence de chacun est en général un forfait lié à la composition du foyer sur lequel se greffe une part variable dite « incitative », totalement marginale.

     

    Une étude menée dans le Grand Besançon a montré qu’un habitant de pavillon produit en moyenne 20% de déchets de plus qu'une personne vivant en logement collectif, mais ses déchets résiduels (une fois enlevés les déchets triés, déposés en déchetterie, compostés…), sur lesquels va être calculée la "part variable" qui lui est facturée sont inférieurs de 60% (6). Dès les années 1970 le regretté Jean Gouhier, précurseur de la science des déchets, avait montré à quel point le contenu des poubelles est un indicateur social (7).

     

    Au bout du compte on vante un mode de tarification censé correspondre à un usage personnalisé du service alors que l’essentiel de la facture correspond à des coûts mutualisés sur des bases qui n’ont plus rien à voir avec les facultés contributives de chacun. Cela s’appelle de l’enfumage. Nous verrons in fine que cet enfumage à une logique.

     

    Un autre élément est soigneusement passé sous silence par l’ADEME, celui des subventions qu’elle distribue pour financer le passage de la taxe à la redevance. Un élément d’importance qui fait souvent basculer les hésitations parfaitement fondées des élus. Trois exemples. Une partie du Grand Besançon était à la redevance avant 2012 et aucune majorité ne se dégageait pour la généraliser à l’ensemble de l’agglomération. La décision a été emportée quand, en 2010, l’ADEME, soucieuse d’intégrer une grande agglomération dans ses statistiques douteuses, a mis sur la table une subvention de 973 667 euros. A une échelle plus modeste, celle du territoire du Syndicat mixte du Val-de-Loir (40 000 habitants) où nous résidons, c’est le même argument qui a fini par convaincre une majorité de passer de la taxe à la redevance… pour un résultat que se révèle catastrophique. Nous allons y revenir. La pratique continue de plus belle. Il suffit pour s’en convaincre de consulter l’appel à projet lancer par l’ADEME pour développer la RI auprès des collectivités locales de la région Occitanie. A ce jour 125 000 foyers de cette région sont à la tarification incitative. L’agence promet aux collectivités locales des millions d’euros de subventions pour parvenir dans les 4 prochaines années à multiplier par cinq ce nombre d’assujettis (8).

     

    [à suivre...]

     

    (4) http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/avis_ademe-tarification_incitative_dechets_201611.pdf (p.6)

     

    (5) http://recyclage.veolia.fr/particuliers/tout-savoir/tarification-incitative.html

     

    (6) "Alternatives Économiques", n° 296, Novembre 2010

     

    (7) Voir notamment : «Une société est à l’image 
des déchets qu’elle se crée», entretien, l’Humanité, 3 mai 2013

     

    (8) www.languedoc-roussillon.ademe.fr/sites/.../aap-tarification-incitative-occitanie.pdf

     


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