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    Point de droit

    Les OM collectées en se passant du Syndicat mixte ? L'initiative peut paraître séduisante tant le mécontentement légitime demeure vif face aux conséquences de la réforme de 2014. Cette réponse n'engage pas moins les usagers qui y souscriraient dans une voie sans issue qui, de plus, pourrait se révéler fort onéreuse pour eux. Explication. 

     

    PRÉAMBULE

    Suite à différents articles de presse, des habitants sollicitent depuis quelques semaines l'avis du Collectif Val-de-Loir sur le démarchage d'une entreprise privée qui se pose en concurrente du Syndicat mixte pour effectuer la collecte des ordures ménagères.

    Selon les nombreuses sources consultées (juristes, parlementaires, organismes publics, associations nationales d'acteurs de la filière déchets…), cette affaire serait sans précédent. Ce qui expliquerait les vaines recherches de jurisprudence sur le sujet. On relèvera donc qu'aucune entreprise privée de la filière déchets ne s'est jamais avisée d'organiser une telle collecte auprès des ménages en dehors d'une relation contractuelle avec une collectivité locale. Qui pourrait croire que ce serait par manque d'imagination ou d'esprit d'entreprise ? En vérité, leur appétit n'est contenu que par un ensemble de dispositions légales qui s'imposent à tous.

     Références précises à l'appui, les développements qui suivent présentent les cadres institutionnels qui, en France, président à la gestion des ordures ménagères. Libre à chacun de s'en saisir, de les discuter ou de les ignorer. 

     

    1 - LE SERVICE PUBLIC, GESTIONNAIRE EXCLUSIF

     

    1.1 – De la loi de 1884 au Code général des collectivités territoriales (CGCT).

    C'est la grande loi municipale de 1884 qui a confié aux communes la responsabilité de collecter les ordures ménagères. Ce choix politique a été fondé sur les pouvoirs des maires en matière de salubrité publique. Dès ce moment, il s'est agit d'une compétence obligatoire ( la commune ne peut se dérober à cette responsabilité ) et exclusive ( la commune est la seule autorité habilitée à intervenir).

    Bien des évolutions ont eu lieu depuis afin de tenir compte de la complexification du problème, de la diversification des modes de gestion des services publics et de l'évolution de l'organisation des collectivités locales. Reste que le principe fondamental énoncé en 1884 – compétence obligatoire et exclusive -  est demeuré intangible.

    Parmi les plus récents, les deux textes législatifs de référence sont la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 et l'ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010.

     

    Citons deux articles essentiels de la loi de 1975.

     

    - Les communes ou les groupements constitués entre elles assurent, éventuellement en liaison avec les départements et les établissements publics régionaux, l'élimination des déchets des ménages (article 12).

    - Le maire peut régler la présentation et les conditions de la remise des déchets visés à l'article 12 en fonction de leurs caractéristiques. Le service communal et, le cas échéant, les personnes dûment autorisées peuvent seuls recevoir ces déchets (article 13).

     

    On relèvera la formulation de l'article 12 : « les communes (,,,) assurent ». Elles ont donc obligation de faire le nécessaire pour et sont garantes du résultat. Quant à l'article 13, il est limpide :  seul le service communal et les personnes à qui il délivre une autorisation à cette fin peuvent prendre en charge ces déchets ménagers.

    Avec l'ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010 qui transpose dans le droit national la directive européenne 2008/98/CE du 19 novembre 2008, le service public n'a plus seulement en charge  «l'élimination des déchets ménagers» mais la responsabilité beaucoup plus large de « la gestion des déchets ménagers ».

    Dernière évolution en date, celle de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015, dite loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République). La compétence ordures ménagères ne relève plus des communes. Elle est désormais une compétence obligatoire des communautés de communes  (ou de leurs groupements).

    Ce cadre légal qui procède de la loi est désormais défini par les articles 2224-13 à 2224-16 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Le premier reprend l'article 12 de la loi  de 1975, le dernier son article 13. Et c'est parce que la collecte des OM est de la pleine et seule responsabilité du service public local que le CGCT inclut un ensemble de dispositions réglementaires (articles R2224-23 à R2224-29) confiant son organisation au maire.

    Deux autres sources du droit confirment ce cadre.

    1.2 - Le code de l'environnement.

    Son article L541-2 énonce que « tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre ». Or le chapitre en question, intitulé « Prévention et gestion des déchets », comporte un article L541-21 qui renvoie expressément au code général des collectivités territoriales pour tout ce qui concerne les ordures ménagères. La loi est souvent complexe jusqu'à parfois s'y perdre, mais on ne saurait dire que le législateur manque ici de cohérence ! On peut même faire état d'une cohérence implacable. En effet, selon les termes d'un autre alinéa du même article L541-2 « tout producteur ou détenteur de déchets s'assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge ». Ce qui fait incontestablement écho à l'article 2224-16 du CGCT qui veut que seul le service public local peut prendre en charge les déchets ménagers.

    La boucle est presque bouclée. Presque... Toujours le même article L541-2 dispose encore que « tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers ». Or ce principe général connaît une exception et une seule. Elle est énoncée peu après aux articles L541-7-1 et L41-7-2. Il s'agit des ménages. Tout simplement parce qu'ils sont tenus de remettre leurs déchets, tous leurs déchets, au service public. Faut-il préciser que ce même code de l'environnement prévoit diverses sanctions pénales en cas de non-respect de ce qui précède (voir parmi les articles R541-42 à R541-92 et R543-1 à R543-270).

    1.3 - Le règlement sanitaire départemental.

    Compte tenu de ce qui précède, il est presque anecdotique de citer ce document qui procède d'un arrêté préfectoral et que les maires sont chargés de faire respecter. Ce règlement comporte une série de dispositions relatives aux ordures ménagères  (articles 73 à 85). « Le service de collecte » y est abondamment convoqué. Toutes ses modalités de mise en œuvre sont renvoyées aux autorités municipales.

    La gestion des déchets ménagers, une compétence exclusive du service public

    (*) https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers 

    La gestion des déchets ménagers, une compétence exclusive du service public

    (*) http://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/epp/epp_gestion-locale-dechets-menagers_rapport.pdf

     

    2 – TAXE OU REDEVANCE, CELA NE CHANGE RIEN À L'AFFAIRE 

    De tout ce qui précède, il est à relever qu'aucune disposition ne différencie la compétence du service public de gestion des déchets ménagers selon la nature de la contribution financière des usagers, taxe (TEOM) ou redevance (REOM). Dans un cas comme dans l'autre, le cadre institutionnel du SPGDM est celui conjointement établi par le code général des collectivités territoriales et le code de l'environnement. Notons à ce propos que circulent bien des confusions sur les conséquences du choix entre l'un ou l'autre de ces deux modes de financement. En particulier, la distinction entre service public administratif (SPA) et service public industriel et commercial (SPIC) se révèle beaucoup plus subtile qu'il n'y paraît. Nous reviendrons ultérieurement sur cette question.

    3 –  UNE COMPETENCE CONFORME AU DROIT EUROPÉEN

    Si bien des ambiguïtés demeurent au niveau de l'Union européenne sur les services publics, il n'en reste pas moins que l'article 16 du traité d'Amsterdam (1997) consacre leur reconnaissance dans le droit communautaire institutionnel. Sur cette base, la directive déchets 2008/98/CE du 19 novembre 2008 laisse, de la façon la plus explicite, aux états membres la libre décision quant au cadre juridique, public ou  privé, de cette compétence (article 15).

     

    CONCLUSION

    L'organisation de la collecte des ordures ménagères relève sans conteste possible de la seule compétence du service public. Des personnes de droit privé ne peuvent y intervenir que sur mandat de l'autorité publique en charge de cette compétence. Incapables de prouver l'élimination de leurs ordures dans le respect des dispositions légales ( art. 541-2 du code de l'environnement et art. 2224-16 du CGCT), les usagers qui ignoreraient ce cadre agiraient à leurs risques et périls. D'autant que s'ajouterait leur incapacité à prouver l'absence de tout recours au service public. La jurisprudence est, en effet, imparable sur ce point : des usagers ont été déboutés faute de pouvoir prouver qu'ils n'utilisaient jamais les conteneurs à verres d'emballage et à déchets recyclables en libre service ( cour cassation, 26 sept. 2012, M et Mme... contre juridiction de proximité de Saumur).

    Chacun est évidemment libre d'agir à sa guise. Reste qu'il est préférable de savoir où peut conduire le chemin que l'on décide d'emprunter. Il en est qui peuvent séduire par leur apparente radicalité, mais attention aux lourdes déconvenues qui peuvent se profiler derrière le plaisant et simplissime décor un peu trop vite dessiné.

    Le mécontentement des usagers face aux conséquences de la réforme de 2014, une véritable tromperie, est plus que légitime. Voilà plus de deux ans que le Collectif Val-de-Loir s'emploie au rétablissement d'un service public respectueux des habitants qui sont ses financeurs. Nous agissons résolument et patiemment en ce sens. Un premier et grand pas est franchi avec le prochain rétablissement de la collecte au porte-à-porte dans maintenant moins de 10 mois. Ce préalable indispensable acquis, notre travail porte désormais sur la tarification. Une nouvelle étape que nous savons d'autant plus ardue que beaucoup d'argent – notre argent – a été jeté par la fenêtre.

     

    Le Collectif Val-de-Loir, le 11 mars 2016 

     

     

     


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