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    Ordures ménagères :

     

    Que Choisir, victime ou complice du lobbying de l’ADEME ?(3)

     

    4 - Sensibilisation des citoyens ou illusoire carotte financière ?

     

    Voyons à présent ce qu’il en est de la réduction des déchets. Soyons très clair : il y a là un véritable problème de société. A cet égard, l’évolution des comportements individuels constitue un levier indéniable d’action. Il convient dès lors de favoriser la prise de conscience des citoyens et leur adoption de gestes plus responsables. On ne peut cependant en rester à ce seul niveau : le concept de déchets tout comme la nature et le volume de ceux-ci sont très liés au type de développement d’une société, aux modes et aux niveaux de consommation qui y ont cours. En d’autres termes, si le consommateur final n’est pas neutre, s’il a un rôle à jouer, ses marges d’action sont limitées et il ne saurait constituer l’alpha et l’oméga de la problématique déchet. De ce point de vue l’application du précepte « pollueur payeur » à ce consommateur final est particulièrement discutable.

     

    La redevance incitative serait donc la baguette magique conduisant le consommateur final à assumer sa part dans les indispensables changements de paradigmes de la problématique des déchets ménagers. Il faut le croire à la lecture des taux de réduction plus impressionnants les uns que les autres obtenus, selon l’ADEME, grâce à la RI.

     

    A cet égard Que Choisir assimile de façon très abusive financement par la redevance et double collecte fondée sur la séparation entre ordures résiduelles et recyclables. Or de nombreuses collectivités finançant le service par la taxe pratiquent cette double collecte. Dès lors une question surgit : pourquoi l’ADEME ne fournit-elle aucune statistique relative à cette réalité ni d’éléments comparatifs fiables entre ces différentes pratiques ? L’agence ne se préoccupe nullement de mettre en exergue les bons résultats d’évolution à la baisse des tonnages collectés indépendamment du mode de financement. Bizarre, comme c’est bizarre...

     

    Le seul comparatif dont elle use est pour affirmer que les résultats sont globalement meilleurs dans le cadre d’un financement par la redevance que dans celui du financement par la taxe « même quand est mis en œuvre un programme local de prévention », autrement dit quand il y a pratique du tri. Cette affirmation est dépourvue de toute base statistique sérieuse. Ces éminents spécialistes ignorent purement et simplement l’analyse multifactorielle.

     

    On ne sait jamais, quand il s’agit de résultats dans le cadre de la redevance, quelle était la situation d’origine. La collecte séparée OMR/recyclables a-t-elle été instituée en même temps que le passage à la redevance ou lui était-elle pré-existante? Si elle a été concomitante avec la mise en place de la redevance – c’est souvent le cas – affirmer que la baisse des OMR et la hausse des recyclables ont été obtenues par le passage à la redevance relève d’une affirmation gratuite. On ignore de façon délibérée un facteur essentiel : la qualité de l’information et de la sensibilisation du public. Une collectivité met rarement en place la redevance sans une campagne d’information soutenue sur le tri et l’intérêt personnel (le plus souvent surévalué) à respecter les consignes. Le même effort d’information est, à tort, plus épisodique quand le tri se fait dans le cadre d’un financement par la taxe. On sous-estime la disponibilité des citoyens à prendre en compte l’intérêt collectif d’une évolution des comportements et on surestime l’impact de la carotte financière que les usagers découvrent vite très décevante.

     

    L’enquête (sic) mentionne « une exception », celle de Lorient-Agglomération. Il y en a bien d’autres mais il est vrai que l’ADEME se garde bien de le faire savoir. Exemple. Le Syndicat mixte du Val-de-Loir qui regroupe 35 modestes communes a institué la collecte sélective en l’an 2000 et le financement par la taxe a été la règle jusqu’en 2013 inclus. Des campagnes de sensibilisation des habitants ont été régulièrement menées. De 1999 à 2013, on est passé (hors verre) d’une collecte indifférenciée de 267 kg/hbt à une collecte d’OMR de 163 kg/hbt à laquelle s’ajoutent 44 kg/hbt de recyclables (avec un taux de refus très inférieur à 10%). Une baisse de 40 % des OMR ! Résultat remarquable, bien supérieur aux objectifs du Grenelle de l’Environnement, obtenu dans le cadre d’un financement par la taxe. L’ADEME n’en avait que faire et a entraîné les élus à passer à la redevance. Cela s’est fait au 1er janvier 2014 dans des conditions scandaleuses qui ont suscité une large réaction des habitants. Résultat ? Les rapports annuels du Syndicat l’attestent : sur 2014, 2015 et 2016 la collecte des OMR a certes chuté de 30 % ( - 2 000 tonnes/an)... du fait d’une dispersion massive dans la nature (brûlage, enfouissement, dépôts sauvages, exportation vers les communes alentours…) Quant aux recyclables, les données brutes laissent apparaître une augmentation de 50 % mais le taux de refus a bondi à 25 %… Quant au versant financier, à population quasi constante, le coût du service par habitant s’est envolé de 73 € en 2013 (taxe) à 109 € en 2016 (redevance). Une vraie prouesse.

     

    Comparons cela au Grand Besançon dont on nous rebat les oreilles. Les indicateurs publiés par l’agglomération font état d’une baisse des OMR de près de 30 % sur la période 2008 à 2016. Elle s‘est faîte à un rythme moyen de 3,5 % de 2008 à 2011, donc avant la généralisation de la redevance. Elle a connu une nette accélération – un rythme annuel un peu supérieur à 10 % - de 2011 à 2013, années de mise en place généralisée de la redevance incitative. Elle est tombée à un rythme de 1,8 % de 2013 à 2016. Une évidence : la sensibilisation des habitants a joué à plein trois années durant, la redevance n’a eu par elle-même aucun effet notable.

     

    Et puis, et puis… il manque toujours la même chose : les déchetteries. Celles-ci intégrées, la quantité totale de déchets non-recyclables ne diminue pas.

     

    5 – Derrière la RI, une visée radicale : la privatisation du service public

     

    Il est grand temps de conclure. Deux citations y pourvoiront. La première est empruntée au groupe Veolia. Dans une page web éditée par la branche « Propreté » du groupe, celui-ci se revendiquait pionnier en France de la redevance incitative. Les raisons de ce choix étaient exposées sans fard : « Il s'agit de consolider nos parts de marché, de conquérir de nouveaux clients et d'affirmer notre savoir-faire par rapport aux régies (...) Que la collectivité signe ou non pour ce système novateur, il représente un moyen de prendre une certaine avance dans la conception du métier. Veolia Propreté n'est plus seulement collecteur des déchets, mais acteur complet de la chaîne : installation des puces, mise à disposition d'un bac équipé, collecte, élaboration du fichier d'usagers, consolidation des données, préparation de la facture (...) Il faut gérer l'intégralité du dispositif jusqu'à la facturation. En un mot : être un partenaire privilégié de la collectivité ». Cette page a subitement disparu des écrans voici deux ou trois ans (9).

     

    La seconde citation est extraite d’un rapport très officiel produit fin 2014 par une brochette de très hauts fonctionnaires sur commande du gouvernement. Il s’agit des travaux de la « Mission d’évaluation de politique publique (sur) la gestion des déchets par les collectivités territoriales » (10). Sans étayer de quelque façon que ce soit l’affirmation d’une plus grande efficacité du financement par la redevance incitative, les auteurs proposent plusieurs scénarios de « modernisation » de ce service public. La plus « ambitieuse » ne fait pas dans la dentelle : « Réduire le périmètre du service public de gestion des déchets par un transfert, partiel voir total, de cette responsabilité à des acteurs privés (…) via des contrats directs entre les habitants et les prestataires privés » (Proposition n° 34, Annexe VIII, p. 30). Les mêmes prestataires que Que Choisir n’hésitait à montrer du doigt dans l’étude déjà mentionnée de 2011 (3) ou quand il s’agit du service de l’eau…

     

    Tout est dit de l’objectif stratégique du lobbying déployé à grands coups de fonds publics par l’ADEME derrière le voile d’arguments spécieux. Élus et citoyens ont le pouvoir de mettre cette perspective en échec. En ce sens la taxe incitative (TEOMi) peut-elle constituer une parade intéressante ? Très peu de collectivités font ce choix du fait de la complexité et du coût de sa mise en œuvre pour un bénéfice somme toute marginal. Et si l’ADEME ne peut faire autrement que de la citer, n’est-il pas significatif qu’elle se garde bien de pousser les feux en cette direction.

     

    Le Collectif Val-de-Loir, février 2018

     

    (9) Son adresse était : http://www.veolia.com/fr/groupe/medias/actualites/la-redevance-incitative-un-service-durable

     

    (10) http://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/epp/epp_gestion-locale-dechets-menagers_rapport.pdf (rapport, annexes et pièces jointes : 585 pages)

     

     

     


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    Ordures ménagères :

     

    Que Choisir, victime ou complice du lobbying de l’ADEME ? (2)

     

    3 – Taxe ou redevance : de l’apparence aux réalités

     

    La plupart des contribuables ne sauraient pas qu’ils payent cette TEOM, s’offusque Que Choisir ? Notons que là où elle existe, c’est-à-dire dans l’immense majorité des communes, cette taxe figure de façon très explicite sur l’avis d’imposition de la taxe foncière due par tous les propriétaires. Pour les locataires, elle doit figurer dans le détail des charges locatives. Mais entendons ce défaut d’information. Et alors ? Propose-t-on de « jeter » l’ensemble des impôts parce que les citoyens ne savent pas combien ils payent pour la police municipale, pour l’entretien du stade, du gymnase, de l’école communale ou du cimetière, pour la réfection des chaussées et des trottoirs, pour les services administratifs qui leur délivrent les papiers dont ils ont besoin ? Et pourquoi, diable, financer ces différents services par l’impôt, donc indépendamment de l’usage que chacun en a ? S’il convient de jeter la TEOM, il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. Au diable tous les impôts, locaux et nationaux. Remplaçons-les par une kyrielle de redevances spécifiques selon l’usage que chacun fait de tel ou tel service. Et il n’y a pas que les impôts : aux orties la sécurité sociale financée par une cotisation assise sur le revenu et dont chacun bénéficie selon sa situation de santé. Les « premiers de cordée » ne s’en porteront que mieux et ces salauds de pauvres n’auront qu’à méditer sur leur paresse ou leur absence de talent à devenir riches. Vive la « modernité »! Vive l’individualisme érigé en religion d’État !

     

    C’est que là est le premier effet du passage de la taxe à la redevance : si les plus aisés y trouvent un bénéfice financier, les plus modestes en prennent plein la tronche. Sur le territoire où nous demeurons – l’un des plus pauvres de la région des Pays de la Loire - où le niveau moyen des revenus est très faible, le passage de la TEOM à la REOM en 2014 a conduit à la multiplication par deux, trois, parfois quatre, de la facture des ménages modestes. A Château-du-Loir, au Lude ou en campagne, combien de foyers demeurant en HLM ou dans de très modestes maisons ne gagnent pas le SMIC et ont vu la facture passer de 40 €/an à 160 €, 200 € ou plus ? Il est vrai qu’inversement un de nos adhérents nous signalait être passé de 450 € de taxe à 180 € de redevance. Il ajoutait ce commentaire : « Il est toujours agréable de payer moins cher mais au montant de la taxe payée vous comprenez bien que je dispose d’une fort belle propriété et d’une résidence de grande valeur. Aussi cette économie annuelle de 270 € n’apportera rien de plus à mon niveau de vie alors que les 130 € supplémentaires réclamés à une famille voisine vont peser lourd sur son budget.» Voilà bien une donnée soigneusement dissimulée par l’ADEME. Cela suinte malgré tout au détour de certaines publications. Ainsi ce document publié en novembre 2016 dans lequel est effleuré le risque des impayés engendré par la redevance : « dès la mise en place la collectivité  pourra convenir (...) avec les services d’actions sociales des mesures envisageables pour aider les foyers à faibles revenus » (4). Et voilà comment de contribuables disposant de droits et de devoir on transforme les ménages modestes en assistés dépendant de l’action sociale ! Et tout ça pour quels résultats ?

     

    Question coût du service, voyons d’abord l’affirmation selon laquelle avec la redevance incitative « moins on jette, moins on paye». Véolia, l’un des grand opérateurs du secteur, en a fait le titre de l’une de ses pages web (5). Cela tient du slogan, peu de la réalité. S’il est vrai que la clé finale de répartition du coût global du service entre ses usagers est le plus souvent le nombre de présentations à la collecte de la poubelle « noire », celle contenant les ordures résiduelles (OMR) promises à l’enfouissement ou à l’incinération, le calcul est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. D’abord, il intègre l’ensemble des coûts fixes (kilométrages parcourus et temps de collecte, distance aux centres de traitement, gestion du service…) qui sont très supérieurs aux coûts variables (quantités de déchets).

     

    Et puis il y a un petit hic dont il n’est jamais fait état. Il s’agit des déchetteries. Or c’est là que sont apportés les plus forts tonnages de déchets. Les matériaux recyclables (métaux, cartons…) qui y sont déposés sont revendus (sur la base des cours mondiaux extrêmement fluctuants). Mais la prise en charge des trois pondéreux les plus importants – déchets verts, encombrants et gravats – constitue un coût net répercuté dans la redevance, donc sur ce que chacun paye selon l’usage de sa poubelle « noire ». Tout ceci fait que le tarif de référence de chacun est en général un forfait lié à la composition du foyer sur lequel se greffe une part variable dite « incitative », totalement marginale.

     

    Une étude menée dans le Grand Besançon a montré qu’un habitant de pavillon produit en moyenne 20% de déchets de plus qu'une personne vivant en logement collectif, mais ses déchets résiduels (une fois enlevés les déchets triés, déposés en déchetterie, compostés…), sur lesquels va être calculée la "part variable" qui lui est facturée sont inférieurs de 60% (6). Dès les années 1970 le regretté Jean Gouhier, précurseur de la science des déchets, avait montré à quel point le contenu des poubelles est un indicateur social (7).

     

    Au bout du compte on vante un mode de tarification censé correspondre à un usage personnalisé du service alors que l’essentiel de la facture correspond à des coûts mutualisés sur des bases qui n’ont plus rien à voir avec les facultés contributives de chacun. Cela s’appelle de l’enfumage. Nous verrons in fine que cet enfumage à une logique.

     

    Un autre élément est soigneusement passé sous silence par l’ADEME, celui des subventions qu’elle distribue pour financer le passage de la taxe à la redevance. Un élément d’importance qui fait souvent basculer les hésitations parfaitement fondées des élus. Trois exemples. Une partie du Grand Besançon était à la redevance avant 2012 et aucune majorité ne se dégageait pour la généraliser à l’ensemble de l’agglomération. La décision a été emportée quand, en 2010, l’ADEME, soucieuse d’intégrer une grande agglomération dans ses statistiques douteuses, a mis sur la table une subvention de 973 667 euros. A une échelle plus modeste, celle du territoire du Syndicat mixte du Val-de-Loir (40 000 habitants) où nous résidons, c’est le même argument qui a fini par convaincre une majorité de passer de la taxe à la redevance… pour un résultat que se révèle catastrophique. Nous allons y revenir. La pratique continue de plus belle. Il suffit pour s’en convaincre de consulter l’appel à projet lancer par l’ADEME pour développer la RI auprès des collectivités locales de la région Occitanie. A ce jour 125 000 foyers de cette région sont à la tarification incitative. L’agence promet aux collectivités locales des millions d’euros de subventions pour parvenir dans les 4 prochaines années à multiplier par cinq ce nombre d’assujettis (8).

     

    [à suivre...]

     

    (4) http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/avis_ademe-tarification_incitative_dechets_201611.pdf (p.6)

     

    (5) http://recyclage.veolia.fr/particuliers/tout-savoir/tarification-incitative.html

     

    (6) "Alternatives Économiques", n° 296, Novembre 2010

     

    (7) Voir notamment : «Une société est à l’image 
des déchets qu’elle se crée», entretien, l’Humanité, 3 mai 2013

     

    (8) www.languedoc-roussillon.ademe.fr/sites/.../aap-tarification-incitative-occitanie.pdf

     


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    Ordures ménagères :

     

    Que Choisir, victime ou complice du lobbying de l’ADEME ? (1)

     

    Le Collectif Val-de-Loir (72) démonte une enquête (sic) de Que Choisir et les manipulations de l’ADEME : la redevance incitative, un enfumage de première dont l’objectif à terme est la privatisation du service public.

     

    1 – Le contexte

     

    Pour qui a quelque peu étudié le sujet, une évidence s’impose : toute la démonstration, toutes les références du dossier publié dans l’enquête (sic) de Que Choisir (n° 566, février 2018) ont été puisés à une source unique, l’ADEME. Or l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie n’est en rien un organisme indépendant chargé de diffuser une information aussi objective que possible. Il s’agit d’un bras armé de l’État ayant pour mission, en ce qui concerne les déchets ménagers, de faire passer dans la vie, envers et contre, tout l’objectif fixé – sans guère de débats – dans la loi de transition énergétique : 15 millions d’habitants à la RI en 2020 et 20 millions en 2025, étapes vers une généralisation de ce mode de financement. On en est loin, très loin. L’ADEME s’en inquiète d’autant que les résistances sont vives de la part de nombreux élus, certes, mais aussi de citoyens qui ont regardé les choses de près et ne se sont pas satisfaits des apparences.

     

    Alors tous les moyens sont bons pour faire avancer le schmilblic. Y compris le lobbying, c’est-à-dire l’action en groupe de pression s’affranchissant des principes du débat démocratique. C’est ainsi que début 2017 l’ADEME a lancé un appel d’offre de marché public en vue de «l’accompagner dans le déploiement d’une stratégie de marketing et de lobbying politique et/ou d’influence relative à la tarification incitative.»(1). Cet appel d’offre s’est, semble-t-il, conclu par un contrat (sans doute juteux) avec un cabinet parisien qui se revendique ouvertement « spécialiste du lobbying politique »(2).

     

    En faisant endosser son discours unilatéral par une revue de défense des consommateurs réputée indépendante, l’ADEME a incontestablement réussi un grand coup. En se laissant prendre à ce jeu sans y regarder de trop près, Que Choisir endosse une lourde responsabilité. Très habile est son point de départ : solliciter de ses lecteurs la communication de la TEOM qu’ils payent. L’image qui en sortirait était, à l’évidence, connue d’avance même si rien ne permet d’affirmer que les 8 000 réponses reçues sont représentatives de l’ensemble des foyers de l’hexagone. Nous sommes aux antipodes du sérieux de l’étude indépendante que l’UFC Que Choisir avait réalisée sur la même problématique en 2011 (3).

     

    2 - Un service public d’intérêt général

     

    Les rédacteurs écrivent : « Cette taxe d’enlèvement des ordures ménagères est une absurdité, un non-sens absolu. Sans rapport avec la gestion des déchets, elle dépend d’un seul et unique critère, la valeur locative du bien » C’est mot à mot ce que servent les éminents représentants de l’ADEME quand on a le très rare privilège de parvenir à les rencontrer. Mais s’il y a bien une absurdité c’est cette caricature. En premier lieu, la TEOM est un prélèvement fiscal dédié. Contrairement à ce qu’affirme Mathieu Glachant (p.47) - « La TEOM est un impôt local qui laisse beaucoup de liberté sur le plan budgétaire » - cette taxe ne doit servir à rien d’autre qu’à financer le service des ordures ménagères. Il est vrai que des collectivités locales ont pris leur aise avec cette règle à propos de laquelle le Conseil d’État a mis les points sur les « i » dans un important arrêt du 31 mars 2014. En second lieu, la référence à la valeur locative cadastrale (il ne s’agit pas de la valeur locative déterminée par l’agence immobilière du coin) est le critère de répartition de ce prélèvement fiscal entre les assujettis. Avant de proclamer l’affaire « non-sens absolu » il y a lieu de répondre à deux questions.

     

    Première question : qu’est-ce que le service public de collecte et de traitement des ordures ménagères ? Observons d’abord que la production de déchets ne constitue en rien une consommation procurant une utilité personnelle comme il en est pour l’eau ou l’énergie. Il est cependant incontestable que le comportement de chaque foyer contribue en ce domaine à une nuisance collective. Jouant un rôle majeur en matière de prévention et de respect de la salubrité et de la santé publiques, le service public de collecte et de traitement des ordures ménagères a donc une utilité inséparablement individuelle et collective. Il s’agit donc d’un service d’intérêt général qui concerne l’ensemble des habitants et l’ensemble du territoire, indépendamment de la quantité et de la nature des déchets que tel ou tel foyer particulier doit éliminer. Même si les faits ont largement anticipés sur la règle, le texte fondateur de ce service public est la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975. Elle fait obligation aux collectivités locales d’assumer ce service. En outre, chaque département est doté d’un règlement sanitaire relevant d’un arrêté préfectoral dans lequel il est fait obligation aux particuliers de présenter leurs déchets au service public de collecte.

     

    Seconde question : quel est, en France, le mode normal de financement des services publics d’intérêt général dont l’objet dépasse l’intérêt individuel de tel ou tel habitant ? C’est l’impôt en vertu du principe posé par l’article 13 de la déclaration de droits de l’homme et du citoyen de 1789, laquelle a toujours valeur constitutionnelle : «Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.» C’est ainsi que les services publics locaux d’intérêt général sont financés par les impôts locaux. Aux deux impôts ménages que sont la taxe d’habitation (TH) et la taxe sur le foncier bâti (TFB) s’est ajoutée en 1926 la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) assise sur les mêmes bases que la TFB mais d’un taux très inférieur.

     

    Sans doute y a-t-il matière à débattre à propos des bases sur lesquelles la fiscalité locale en général et la TFB en particulier sont assises. Convenons volontiers que la valeur locative cadastrale est une réalité assez difficile à saisir. Reste cependant deux choses. D’une part, aussi obscures que soient pour la plupart d’entre nous les bases de la TFB et de la TEOM, de nombreuses études attestent qu’elles sont, malgré certains biais, en rapport avec la situation de fortune des ménages. Autrement dit, la contribution de chacun au financement des services d’intérêt commun varie selon les moyens dont chacun dispose. Ce mode de financement peut être recouvert d’un terme abominable : la solidarité. D’autre part, depuis 2005, les collectivités locales disposent de la faculté de plafonner le montant de la TEOM (article 1522 du code général des impôts) lorsque l’application stricte des règles de droit commun aboutissent à une distorsion excessive.

     

    [à suivre…]

     

    (1) https://centraledesmarches.com/marches-publics/detail-topdf/Angers-ADEME-Mission-de-definition-d-une-strategie-marketing-pour-l-Ademe/2649022?mar_arch_id=2681218

     

    (2) Il s’agit du cabinet Anthenor Public Affaires dont le site internet est www.anthenor.fr

     

    (3)http://image.quechoisir.org/var/ezflow_site/storage/original/application/3295bb304695435a856180638e1d9d67.pdf

     


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